Le tribunal judiciaire de Paris a prononcé la nullité de deux ordonnances de saisie-contrefaçon pour défaut de loyauté par omission d’informations de la part du demandeur.
Sur la base d’une marque internationale désignant la France, une société turque avait été autorisée par le biais de deux ordonnances à pratiquer des saisies-contrefaçons dans les locaux d’une société française qu’elle accusait de contrefaçon de marque.
La société française a demandé la rétractation de ces ordonnances.
Elle reprochait en effet à la société turque d’avoir présenté les faits au soutien de sa requête de manière déloyale, en omettant de fournir des informations essentielles sur sa marque turque ayant servi de base à sa marque internationale.
Par deux arrêts datés du 20 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a fait droit à la demande de la société française.
La société turque avait omis de mentionner le fait que sa marque turque, servant de base à sa demande de marque internationale, avait été provisoirement refusée à l’enregistrement par plusieurs décisions.
Or, selon l’article 6(3) du Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid, le sort de la marque internationale en cause était lié au sort de la marque nationale turque de base :
« La protection résultant de l’enregistrement international, ayant ou non fait l’objet d’une transmission, ne pourra plus être invoquée si, avant l’expiration de cinq ans à compter de la date de l’enregistrement international, la demande de base ou l’enregistrement qui en est issu, ou l’enregistrement de base, selon le cas, a fait l’objet d’un retrait, a expiré ou a fait l’objet d’une renonciation ou d’une décision finale de rejet, de révocation, de radiation ou d’invalidation, à l’égard de l’ensemble ou de certains des produits et des services énumérés dans l’enregistrement international. Il en sera de même si
i. un recours contre une décision refusant les effets de la demande de base,
ii. une action visant au retrait de la demande de base ou à la révocation, à la radiation ou à l’invalidation de l’enregistrement qui est issu de la demande de base, ou de l’enregistrement de base, ou
iii. une opposition à la demande de base
aboutit, après l’expiration de la période de cinq ans, à une décision finale de rejet, de révocation, de radiation ou d’invalidation, ou exigeant le retrait, de la demande de base ou de l’enregistrement qui en est issu, ou de l’enregistrement de base, selon le cas, à condition que le recours, l’action ou l’opposition en question ait commencé avant l’expiration de ladite période. Il en sera aussi de même si la demande de base est retirée, ou si l’enregistrement qui est issu de la demande de base, ou l’enregistrement de base, fait l’objet d’une renonciation, après l’expiration de la période de cinq ans, à condition que, lors du retrait ou de la renonciation, ladite demande ou ledit enregistrement fasse l’objet d’une procédure visée au point i), ii) ou iii) et que cette procédure ait commencé avant l’expiration de ladite période. »
Il existait donc un risque élevé que la marque internationale ne soit plus valide du fait que celle-ci était enregistrée depuis moins de cinq ans et donc liée au sort de la marque turque de base, en cas de refus définitif de la marque turque, ce qui était fort probable en l’espèce.
Il a été retenu que la société turque avait manqué de loyauté en présentant les motifs de sa requête pour obtenir les ordonnances de saisies-contrefaçons.
La décision du juge d’accorder ou non ces ordonnances aurait pu être influencée s’il avait eu connaissance du refus en cours de la marque turque.
Le juge n’a pas pu exercer pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause pour autoriser une mesure proportionnée.
Les ordonnances ont donc été rétractées et les procès-verbaux de saisies-contrefaçons ont été annulés.
Par Anne-Sophie PILLOT, le 23 septembre 2025