par Arnaud VIALLET, 17 juillet 2025

La cour d’appel de la JUB a tranché sur l’approche à adopter pour la correction d’erreur dans les revendications, dans sa décision ORD_60219 2024 du 20 décembre 2024.

Présentation de l’affaire

Dans cette affaire, le tribunal de première instance de la juridiction unifiée du brevet (JUB) a été saisi à la demande de la société Alexion Pharmaceuticals, Inc. (ci-après Alexion) pour des mesures d’interdiction provisoire en vue d’une action en contrefaçon à l’encontre de la société Samsung Bioepis NL B.V. (ci-après Samsung) sur la base de la revendication 2 du brevet européen délivré sous le n° EP3167888.

La particularité de cette affaire réside dans le fait que le tribunal de première instance et ensuite la Cour d’appel, ont été amenés à se prononcer sur l’interprétation de revendication lorsque cette dernière comporte une erreur linguistique ou une inexactitude et la correction de cette erreur aux vues de la description et des connaissances générales de l’homme du métier.

Les faits

Le brevet EP3167888 revendique notamment un anticorps comportant une séquence particulière dénommée SEQ ID NO:4. Le brevet décrit plus particulièrement cette séquence comme une chaîne légère de 236 acides aminés listés dans la description. Cependant, ladite chaîne légère revendiquée comprend, par erreur, 22 acides aminés supplémentaires.

Durant la procédure de délivrance du brevet, la Chambre de recours technique a été amenée à se prononcer sur une requête d’Alexion corrigeant la revendication 1 afin de limiter la chaîne légère revendiquée aux acides aminés 23 à 236, c’est-à-dire sans les 22 acides aminés supplémentaires décrits par erreur. La Chambre de recours technique a rejeté cette requête, jugeant cette dernière comme n’étant pas une correction admissible au vu de la règle 139 CBE. Selon l’interprétation de la Chambre de recours technique, la chaîne légère revendiquée comprend les 22 acides aminés supplémentaires.

Devant le tribunal de première instance, le défendeur Samsung a contesté la validité du brevet et a réfuté la contrefaçon en indiquant que son produit ne comprenait pas une chaîne légère avec les 22 acides aminés. Le demandeur Alexion a rétorqué que ces 22 acides aminés sont en réalité éliminés avant que l’anticorps ne soit fonctionnel et qu’il est évident que l’homme du métier remarquerait une telle erreur.

Décision de 1ʳᵉ instance

Le tribunal de première instance a considéré que la revendication doit être interprétée du point de vue d’un spécialiste du domaine, qui comprendrait que l’enseignement technique du brevet vise à produire un anticorps ne comprenant pas les 22 acides aminés supplémentaires. Le tribunal de première instance a donc considéré qu’il y a bien contrefaçon.

Considérant l’avis préalable de la Chambre de recours technique sur le fait que la revendication doit être interprétée comme comportant les 22 acides aminés supplémentaires, le tribunal de première instance a estimé comme probable que l’OEB révoque le brevet pour insuffisance de description. Ainsi, la requête en interdiction provisoire a été rejetée.

Le demandeur Alexion a fait appel de cette décision.

Procédure d’appel

Contrairement au tribunal de première instance, la Cour d’appel a considéré que dans le cas présent, l’existence d’une erreur et la manière de la corriger ne sont pas suffisamment certaines pour l’homme du métier moyen, rejoignant ainsi l’avis de la chambre de recours technique de l’OEB.

La Cour d’appel a confirmé l’avis de la chambre de recours technique selon lequel « rien ne justifie que l’homme du métier moyen, dans le cadre de l’interprétation des revendications, soit, à première vue, alerté et, par conséquent, incité à examiner et analyser la séquence correspondante afin de déterminer la présence de parties/composés fonctionnels particuliers dans la séquence d’acides aminés non annotée ».

La Cour d’appel a confirmé également l’avis de la Chambre de recours technique de l’OEB selon lequel « même en inspectant la séquence SEQ ID NO : 4, l’homme du métier moyen n’aurait pas immédiatement reconnu que la séquence représentée constituait une erreur. Au contraire, l’homme du métier moyen aurait pu, tout au plus, douter que la séquence représentée soit bien celle qu’elle prétend représenter ».

Dans cette affaire, la Cour d’appel statue ainsi que l’existence d’une erreur dans une revendication doit être suffisamment certaine pour l’homme du métier moyen et que la manière de la corriger doit également être certaine pour que la revendication soit interprétée en tenant compte de cette erreur et de sa correction.

par Arnaud VIALLET, le 17 juillet 2025