par Anne-Sophie PILLOT, 21 mai 2024

La Cour d’appel a prononcé la nullité pour défaut de caractère distinctif d’une marque composée d’un nom géographique susceptible d’être utilisé à l’avenir comme indication de provenance géographique des produits en cause (CA Aix-en-Provence, 21 décembre 2023, 22/03846).

La SCA Union des Vignerons de l’Île de Beauté (devenue La Cave d’Aleria par la suite) a procédé le 1er octobre 2014 au dépôt de la marque verbale TIZZANO n°4122236 en France pour les produits « boissons alcooliques (autres que les bières) ; vins ; vins de Corse ; vins de l’île de Beauté ».

Une marque qui n’est pas une indication géographique…

Tizzano est un petit village de pêcheurs situé en Corse du Sud, dans la zone géographique de l’appellation d’origine protégée « vins de Corse Sartène ».

Cette marque a été acceptée à l’enregistrement par l’INPI.

Une demande en nullité a été déposée le 11 février 2021 à l’encontre de cette marque par le Syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée.

Le 6 mai 2021, la SCA Union des Vignerons de l’Île de Beauté a procédé à la limitation de sa marque aux seuls « vins d’appellation d’origine protégée (AOP) « vins de Corse Sartène » ».

Par une décision du 16 février 2022, l’INPI a rejeté la demande en nullité initiée par le Syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée.

Le syndicat a formé appel de cette décision.

Les fondements sur lesquels reposent la demande en nullité sont les suivants :

  • Le signe serait dépourvu de caractère distinctif ;
  • Le signe serait de nature à tromper le public ;
  • Le signe porterait atteinte à l’appellation d’origine protégée « Sartène ».

…mais qui pourrait l’être à l’avenir de sorte qu’elle est annulée.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu sa décision le 21 décembre 2023 en accueillant l’appel et en prononçant la nullité de la marque française TIZZANO n°4122236 pour défaut de caractère distinctif.

Elle a en effet retenu que, d’après les pièces soumises par le syndicat en soutien de l’appel, il n’était pas possible d’établir un lien entre le terme Tizzano et les vins d’AOP actuellement mais qu’il était raisonnable de penser qu’un tel lien pourrait être établi à l’avenir.

La Cour d’appel réalise ici une application de l’arrêt rendu par la CJUE « Windsurfing Chiemsee » (4 mai 1999, C-108/97 et C-109/97) qui indique que « la directive 89/104/CEE ne se limite pas à interdire l’enregistrement des noms géographiques dans le cas où ceux-ci désignent des lieux qui présentent actuellement un lien avec la catégorie de produits concernés mais aussi aux noms géographiques susceptibles d’être utilisés dans l’avenir par les entreprises intéressées en tant qu’indication de provenance géographique de la catégorie de produits en cause ».

À l’inverse, la marque BERGERIES DE L’ORTOLO désignant du vin d’AOP en classe 33 a été acceptée par l’INPI et l’appel formé par le Syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée a été rejeté (CA Aix-en-Provence, 21 décembre 2023, 22/03847).

Bien que ORTOLO soit le nom d’un petit fleuve de la Corse du Sud, la marque a été considérée comme distinctive, non déceptive et ne portant pas atteinte à l’AOP en cause. Le terme BERGERIES suffisait à conférer un caractère suffisamment distinctif à l’ensemble de la marque, de sorte qu’aucun lien ne pouvait être fait par le consommateur entre la marque et l’AOP.

En conclusion…

Ces deux arrêts illustrent un certain flou quant aux décisions concernant les noms géographiques qui pourraient devenir des indications de provenance géographique.

Une certaine prudence est de mise lors du choix de ce type de marques, peut-être en prévoyant déjà d’associer un autre mot au terme géographique.