Depuis le 17 février, l’Allemagne a ratifié l’accord relatif à la Juridiction unifiée du brevet (JUB), qui entrera donc en vigueur le 1er juin 2023. Cette entrée en vigueur, attendue depuis de longues années, ouvre une nouvelle page de l’histoire des brevets en Europe puisque la nouvelle juridiction aura la compétence exclusive pour juger des brevets européens à effet unitaire. En voici une présentation en quelques mots.

 Juridiction unifiée du brevet (JUB), nouvelle juridiction spécialisée en matière de brevets

Cette juridiction internationale aura une compétence en matière de validité et de contrefaçon des brevets européens, à effet unitaire ou non.

JUB - Image 1 - UPC Member States map

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(source : www.unified-patent-court.org)

Comme illustré sur la carte ci-dessus, 24 États sur 27 de l’Union européenne (UE) ont signé l’Accord JUB, à savoir toute l’UE sauf l’Espagne, la Pologne et la Croatie. Parmi ces 24 États ayant signé l’accord, 17 États l’ont ratifié (en bleu foncé) de sorte que la JUB entrera en vigueur sur ces 17 États au moins.

Les décisions seront applicables dans tous les États contractants ayant ratifié l’Accord JUB. Les décisions ne seront donc pas applicables notamment au Royaume-Uni, en Espagne, en Croatie et en Pologne, où il restera nécessaire de passer par un tribunal national compétent pour juger les litiges relatifs au brevet européen.

Comme on peut le voir sur l’illustration ci-dessous, la JUB est composée d’un tribunal de première instance, comprenant une division centrale ayant son siège à Paris et une section à Munich, ainsi que plusieurs divisions locales et régionales. La cour d’appel a quant à elle son siège à Luxembourg.

JUB - Image 2 - Composition de la JUB

 

 

 

 

(source : OEB)

Principe de fonctionnement

Les décisions seront prises par des collèges de juges, qualifiés juridiquement ou bien techniquement.

JUB - Image 3 - Principes de fonctionnement de la JUB

 

 

 

 

(source : OEB)

Il est prévu une durée d’un an entre l’initiation de la procédure et le jugement sur le fond. Le calcul éventuel des dommages et intérêts sera décidé après.

La JUB aura la compétence exclusive en matière de validité et de contrefaçon des brevets européens à effet unitaire.

Régime transitoire et arbitrage

Pour une période de 7 ans (prolongeable une seule fois), c’est-à-dire jusqu’en 2037 au maximum, la compétence aussi bien de la JUB que des tribunaux de chaque pays sera possible en matière de validité et de contrefaçon des brevets européens sans effet unitaire. Passé ce délai, la compétence en matière de brevet européen appartiendra uniquement à la JUB pour tous les brevets européens en vigueur dans les États de l’Union Européenne ayant signé l’Accord JUB.

Par conséquent, entre le 1er mars 2023 et l’entrée en vigueur de la JUB le 1er juin 2023, il convient d’arbitrer l’intérêt de choisir la compétence de la JUB pour le titulaire. En effet, pendant cette période, seul le demandeur ou le titulaire du brevet européen pourra décider d’empêcher la saisine de la JUB (« opt-out », ou « dérogation ») pour sa demande de brevet européen ou son brevet européen. Passé ce délai, en l’absence d’« opt-out », quiconque pourra choisir de saisir la JUB ou un tribunal national compétent pendant le régime transitoire.

Ainsi, la déclaration d’ « opt-out » par un titulaire ou demandeur de brevet européen permet principalement d’anticiper le cas dans lequel un tiers serait à l’origine d’une action contre le titulaire, typiquement en formant une action en nullité contre le brevet européen devant la JUB, alors que le titulaire ou demandeur pourrait préférer mener une telle action en nullité devant un (ou plusieurs) tribunal national. En effet, dans le cas d’une action subie, après le 1er juin 2023, il ne sera plus possible de déroger à la compétence de la JUB.

En revanche, dans le cas où le titulaire ou demandeur souhaiterait lancer lui-même une action, typiquement une action en contrefaçon, il pourra toujours déposer ultérieurement une déclaration d’ « opt out » pour déroger à la compétence de la JUB.

Enfin, relevons que devant la JUB, il sera possible de demander des mesures préalables à l’action (mesures de conservation de preuves, descente sur les lieux), de constater une contrefaçon (dont fourniture de moyens essentiels) ou une nullité, de demander une réparation concernant les licences, pour obtenir des mesures provisoires et des injonctions.