18 janvier 2022

La dernière édition des Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets (OEB) inclut une nouvelle section précisant les critères à appliquer pour les revendications portant sur des anticorps.

Les anticorps : un élément essentiel de notre système immunitaire

Les anticorps sont des protéines indispensables à notre système immunitaire. En se fixant à une partie spécifique (appelée « épitope ») d’une cible (appelée « antigène »), telle qu’un pathogène ou une cellule anormale, ils permettent au système immunitaire de reconnaitre et de marquer cette dernière en vue de son élimination. On a beaucoup entendu parler d’eux depuis un an, dans le cadre de la vaccination contre la Covid-19. Mais, alors que le principe d’un vaccin est de permettre la production naturelle de ces anticorps par le système immunitaire, certaines technologies utilisent directement des anticorps comme traitement thérapeutique. C’est notamment le cas de certains traitements anticancéreux qui permettent d’identifier spécifiquement les cellules cancéreuses parmi les cellules saines d’un organe, afin que le système immunitaire du patient les élimine. De tels anticorps sont protégeables par le brevet.

Protection des anticorps : un manque de cadre légal clair

Les anticorps sont protégeables de différentes manières dont certaines sont uniques en leur genre. Ainsi, un anticorps peut être défini aussi bien par sa structure que par l’antigène qu’il reconnait.

Les définitions et conditions de leur brevetabilité ont beaucoup évolué au cours du temps. Pourtant, tout aussi étonnant que cela puisse paraitre, alors que des brevets européens protégeant des anticorps sont délivrés depuis presque l’entrée en vigueur de la Convention de Munich sur la délivrance du brevet européen (CBE), les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB ne comprenaient auparavant aucune section dédiée à leur brevetabilité. Il n’y avait donc aucun cadre légal clair, ou directives, régissant leur brevetabilité. Les définitions admissibles et conditions de brevetabilité étaient fondées jusqu’à présent sur des décisions jurisprudentielles des instances de l’OEB.

Directives OEB : une nouvelle section dédiée à la brevetabilité des anticorps

Cette lacune est désormais comblée, depuis le 1er mars 2021, par l’ajout dans les directives de la section G-II, 5.6 relatives à la brevetabilité des anticorps.

Cette section est subdivisée en deux parties : la première partie est consacrée aux différentes formulations acceptées pour définir la protection d’un anticorps, et la seconde est consacrée aux conditions d’activité inventive.

La première partie présente une liste de différentes définitions, qui, bien qu’elle ne se veuille pas exhaustive, est très complète et correspond aux principales caractéristiques utilisées jusqu’alors pour caractériser les anticorps. Il est ainsi disposé qu’un anticorps peut être défini par :

  • sa séquence d’acides aminés, c’est-à-dire sa structure ;
  • les séquences d’acides nucléiques codant pour la séquence d’acides aminés de l’anticorps, c’est-à-dire la séquence du gène encodant ledit anticorps ;
  • la référence à l’antigène-cible ;
  • l’antigène-cible ainsi que des caractéristiques fonctionnelles supplémentaires, notamment si l’anticorps a un effet dit « bloquant » empêchant par exemple l’interaction entre un agoniste/antagoniste avec son récepteur ;
  • ses caractéristiques fonctionnelles et structurelles ;
  • son procédé d’obtention ;
  • l’épitope de l’antigène auquel il se lie ; ou
  • les cellules produisant l’anticorps.

Pour chaque définition listée ci-dessus, les conditions requises en termes de clarté, de support, de suffisance de description et de nouveauté sont spécifiées.

La seconde partie se concentre sur les conditions pour qu’une activité inventive soit reconnue dans le cas d’un anticorps se liant à un antigène connu. Cette partie dispose qu’il est nécessaire dans ce cas de démontrer au moins l’un des points suivants :

  • une amélioration de l’affinité ;
  • une amélioration de l’activité thérapeutique ;
  • une réduction de la toxicité ou de l’immunogénicité ;
  • une réactivité croisée inattendue entre espèces ; ou
  • un nouveau type de format d’anticorps ayant une activité de liaison avérée.

Cette nouvelle section des directives de l’OEB clarifie les conditions de brevetabilité des anticorps; en assurant une uniformisation des règles à respecter pour obtenir la délivrance d’un brevet sur un anticorps, elle pallie le manque d’information de la convention et de son règlement d’exécution en la matière.