par Richard MONNI, 31 octobre 2019

La question de la brevetabilité des plantes obtenues par des procédés essentiellement biologiques est à nouveau posée à la Grande Chambre de recours.

Dans le cadre de toute saisine de la Grande Chambre de recours, les tiers sont invités à soumettre leur opinion sur les questions soumises : il s’agit des amicus curiae.

40 amicus curiae ont été déposés dans le cadre de la saisine de la Grande Chambre de recours de l’Office Européen des brevets par :

– les gouvernements ou Offices de certains Etats contractants membres de l’Union européenne: France, Belgique, Danemark, Portugal, Espagne, Pays-bas et Pologne, et la Commission européenne,

– des associations de défense des agriculteurs et des producteurs de semences

– des professionnels de la PI, à titre individuel ou sous couvert de leur association professionnel ; la CNCPI, au nom des Conseils en Propriété Industrielle Français, a notamment soumis sa position dans ce cadre.

Il se dégage de ces amicus curiae que les deux premiers soutiennent la position de la Commission et celle du Président de l’OEB (et du conseil d’administration), tandis que les praticiens sont majoritairement pour la brevetabilité des animaux et des plantes.

Les amicus curiae sont accessibles ici

Déjà quatre saisines de la Grande Chambre dans les dernières années.

Suite à la saga Tomate/Brocoli ayant fait l’objet de quatre saisines de la Grande chambre de recours (affaires G2/07, G1/08, G2/12 et G2/13), la Grande chambre était arrivée à la conclusion que

– les procédés essentiellement biologiques sont exclus de la brevetabilité en vertu de la CBE, même s’ils comprennent une étape technique, mais

– les animaux et végétaux issus de ces procédés demeurent brevetables.

La commission européenne avait alors émis un avis selon lequel, en vertu de la directive Biotech 98/44/EC, de tels végétaux et animaux ne pouvaient être considérés comme brevetables.

C’est ainsi que le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets avait modifié, en vertu de l’article 33(1)c) CBE, la règle 28 de la CBE en introduisant explicitement cette exclusion (voir notre article Végétaux et animaux : l’OEB change de position).

Un conflit entre l’interprétation de la CBE et le règlement d’exécution ? L’affaire ayant conduit à la saisine :

Dans l’affaire T1063/08, la division d’examen avait rejeté la demande de brevet au motif que les poivrons revendiqués étaient issus d’un procédé essentiellement biologique, en violation de la nouvelle règle 28(2) CBE.

La Chambre de recours devant laquelle a été portée cette affaire a toutefois indiqué que la nouvelle règle 28(2) CBE était en contradiction avec la lettre de l’article 53c) CBE, et a confirmé la brevetabilité des poivrons revendiqués.

Comme nous l’avions annoncé, le Président de l’OEB, en vertu des pouvoir qui lui sont conférés par l’article 112(1)b) CBE, a soumis les deux questions suivantes à la Grande Chambre de recours :

  1. Having regard to Article 164(2) EPC, can the meaning and scope of Article 53 EPC be clarified in the Implementing Regulations to the EPC without this clarification being a priori limited by the interpretation of said Article given in an earlier decision of the Boards of Appeal or the Enlarged Board of Appeal?
  2. If the answer to question 1 is yes, is the exclusion from patentability of plants and animals exclusively obtained by means of an essentially biological process pursuant to Rule 28(2) EPC in conformity with Article 53(b) EPC which neither explicitly excludes nor explicitly allows said subject-matter?

Outre les différentes parties ayant déposé les amicus curiae, le parlement européen a soumis une résolution -non contraignante- exhortant la Grande Chambre de recours de l’OEB à « rétablir sans délai la sécurité juridique en répondant favorablement aux questions qui lui ont été soumises par le président de l’OEB ».

Reste maintenant à attendre la position que prendra la Grande chambre de recours, en toute indépendance, sur les questions de droit qui lui sont soumises, relatives à la brevetabilité des animaux ou des végétaux issus de procédé essentiellement biologiques.

Dans l’hypothèse où la Grande Chambre rejetterait la saisine comme irrecevable, il serait intéressant qu’elle puisse donner son interprétation de la relation entre l’article 53b) CBE et la règle 28(2) CBE, et qu’elle clarifie ou réaffirme la pratique du droit selon la CBE, comme elle l’avait fait dans une saisine antérieure relative à la brevetabilité des programmes d’ordinateur.