Suite… et fin de la saga judiciaire opposant la commune à l’entrepreneur ayant déposé des marques comportant son nom ?
Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 1, 5 Mars 2019 – n° 17/04510
Cette décision de renvoi fait suite à l’arrêt de cassation partielle du 4 octobre 2016 qui considérait que la Cour d’appel de Paris n’avait pas recherché le caractère frauduleux des dépôts de marques contestés. Elle constitue une victoire en demi-teinte de la commune qui obtient l’annulation de 20 marques comportant le nom LAGUIOLE détenues par Gilbert Szajner, Louis Szajner et la société Laguiole SA mais voit ses prétentions rejetées au titre des pratiques commerciales trompeuses.
L’usage de LAGUIOLE est-il frauduleux ?
Pour rappel, la commune de Laguiole, renommée pour la fabrication des fameux couteaux de Laguiole mais également connue pour sa production de fromage, sa gastronomie, sa race bovine, sa station de ski ou encore ses festivals tente de faire valoir l’atteinte au nom de la commune et ses droits sur celui-ci depuis plus de 20 ans en demandant la reconnaissance du caractère frauduleux des dépôts de marques effectués par Messieurs Szajner en leur nom personnel ou au nom de la société Laguiole SA.
Ces marques comprennent en effet le nom LAGUIOLE en lien ou non avec l’emblème des couteaux du même nom, une abeille, pour désigner une très grande variété de produits et services, fabriqués non pas sur le territoire de la commune mais en Chine ou encore au Pakistan.
La commune relève en outre que l’argumentaire commercial des sociétés commercialisant ces produits repose sur son histoire et ses légendes.
Le monopole sur le nom LAGUIOLE est reconnu
Par cet arrêt de renvoi, la Cour d’appel suit la Cour de cassation sur la question concernant la demande en nullité des marques LAGUIOLE déposées par Messieurs Szajner et la société Laguiole SA même si elle maintient la position de la précédente décision d’appel au titre des pratiques commerciales trompeuses.
En effet, considérant que la commune n’apportait pas de nouveaux arguments par rapport à la première instance sur ces prétendues pratiques, la Cour d’appel va à l’encontre de l’arrêt de cassation, confirme le jugement du Tribunal et déboute la commune de sa demande.
La Cour d’appel ne retient pas, contrairement à ce qu’avait fait la Cour de cassation, que la communication effectuée sur les sites internet des défendeurs et de leurs licenciés soit trompeuse bien que critiquable dans la mesure où le consommateur moyen, informé de ce que les produits en question sont aussi fabriqués dans des sites à l’étranger, ne croira pas que ceux-ci proviennent du village de Laguiole.
La Cour de renvoi annule certaines marques LAGUIOLE
En revanche, la Cour relève que si le fait de déposer des marques dans plusieurs classes n’est pas en soi illicite et s’explique par la très grande diversité des activités exercées par les sociétés licenciées, le nombre des dépôts effectués dans la quasi intégralité de la classification de Nice (à savoir 37 classes sur 45) conduit de fait à priver la commune et ses administrés de l’usage du nom LAGUIOLE.
Dès lors, l’usage par les défendeurs du nom LAGUIOLE et de la réputation qui y est associée, parfois en lien avec l’emblème de l’abeille, pour désigner des produits et services sans lien de rattachement avec la commune est considéré comme s’inscrivant dans une stratégie commerciale visant à priver cette dernière et ses administrés de l’usage de ce nom nécessaire à leurs activités, caractérisant la mauvaise foi de Messieurs Szajner et de la société Laguiole SA et entachant de fraude une partie des très nombreux dépôts effectués.
Ainsi, par cet arrêt, la Cour d’appel de Paris suit en partie la Cour de cassation, sans pour autant faire totalement droit aux demandes de la commune. Toutefois, désormais, la commune et ses administrés pourront utiliser le terme LAGUIOLE en lien avec leurs activités sans risquer de contestation de la part de Messieurs Szajner et de leur société.