par Myriam ALLAB, 21 mars 2019

La prolongation de la protection par un titre de propriété industrielle d’un médicament destiné à l’usage pédiatrique, qui existait déjà dans les pays de l’Union Européenne, vient d’être introduite dans la loi Suisse, selon des modalités spécifiques.

Depuis le 1er janvier 2019, le certificat pédiatrique, un nouveau titre de propriété industrielle créé en Suisse, permet de prolonger de 6 mois la durée de validité d’un brevet dans la mesure où il protège un médicament, si celui-ci a fait l’objet d’un plan d’investigation pédiatrique (PIP), sous certaines conditions. Ce dispositif vient compléter la loi sur les brevets en Suisse, qui offre ainsi aux déposants un arsenal plus complet que dans les autres pays européens.

En effet, l’extension de la protection pour des médicament à usage pédiatrique en Suisse peut désormais être obtenue par deux voies :

(1) par une prolongation de six mois d’un CCP existant (prolongation pédiatrique), ou

(2) par le biais d’un nouveau certificat, le certificat pédiatrique (pädiatrisches Schutzzertifikat), qui prolonge de six mois la durée de validité du brevet et prend effet à son expiration.

Bien que non membre de l’UE, la Suisse avait introduit dans sa loi fédérale sur les brevets d’invention (LBI) des dispositions similaires à celles du règlement CE 469/2009 sur les CCP pour les médicaments, ou du règlement CE 1610/96, créant les CCP pour les produits phytopharmaceutiques.

La loi fédérale (LBI) prévoit ainsi la possibilité de demander un certificat complémentaire de protection (CCP) pour les médicaments (titre septième, chapitre 1) ou les produits phytosanitaires (titre septième, chapitre 3).

Rappelons que le CCP vise à compenser le délai s’écoulant entre le dépôt de la demande de brevet et l’obtention de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) du produit, en prolongeant le monopole d’exploitation de son titulaire.

Le CCP prolonge la protection d’un produit soumis à une autorisation de mise sur le marché en Suisse (principe actif ou composition de principes actifs) de cinq ans au maximum à partir de l’expiration de la durée de validité maximale du brevet. Le CCP est un titre indépendant, qui prend effet à l’expiration du brevet auquel il est rattaché.

Cependant, jusqu’en 2019, la loi suisse ne comportait pas de dispositions similaires à celles permettant en Europe d’obtenir une « extension pédiatrique ».

Etudes cliniques réalisées sur des enfants : 2 options créées en Suisse pour prolonger la protection

Le Conseil fédéral suisse s’est ainsi penché sur la question des médicaments destinés spécifiquement aux enfants ; il a conclu à la nécessité d’encourager le développement de médicaments destinés aux enfants et d’améliorer leur disponibilité en prolongeant de six mois la durée de protection d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection.

En mai 2014, un nouveau titre de protection est inscrit dans la LBI: le certificat pédiatrique, qui prend effet à l’expiration du brevet et prolonge de 6 mois la durée de validité du brevet. Cette disposition n’a pas d’équivalent dans l’Union Européenne.

De plus, par analogie avec la Directive CE 1901/2006, la possibilité de prolonger de 6 mois un CCP pour un médicament pédiatrique est inscrite dans la LBI

Après l’élaboration des dispositions d’exécution et une procédure de consultation qui a pris fin en octobre 2017, le Conseil fédéral décide de mettre en vigueur la révision partielle de la LBI et les dispositions d’exécution à la date du 1er janvier 2019.

Conditions d’obtention

Les dispositions légales régissant la prolongation pédiatrique https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19540108/index.html#id-7-2 reprennent, pour l’essentiel, les dispositions du règlement (CE) n°1901/2006 de l’UE relatif aux médicaments à usage pédiatrique. L’accès à ce nouveau titre de protection national est ouvert tant aux demandeurs suisses qu’à ceux étrangers.

L’octroi d’une « prolongation pédiatrique » est tributaire de la réalisation d’études cliniques sur des enfants en conformité avec le plan d’investigation pédiatrique (PIP) pris en considération lors de l’autorisation de mise sur le marché (AMM)°. Les résultats des études du PIP doivent figurer dans le dossier d’AMM déposé en Suisse. Cette AMM en Suisse doit être demandée au plus tard dans les six mois suivant la demande d’AMM dans l’Espace économique européen.

Les exigences pour le certificat pédiatrique sont similaires au regard de la réalisation du PIP et de l’AMM, mais des délais spécifiques sont prévus pour son dépôt https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19540108/index.html#id-7-2a .

À l’issue d’une période transitoire qui s’achèvera le 1er janvier 2024, les délais suivants s’appliqueront :

  • Dépôt de la demande de prolongation d’un CCP au plus tôt au moment de la demande de délivrance du CCP et au plus tard deux ans avant son expiration.
  • Dépôt de la demande de certificat pédiatrique au plus tard deux ans avant l’expiration de la durée de validité maximale du brevet.

Soulignons qu’il n’est pas possible d’obtenir un certificat pédiatrique sur un brevet, pour lequel un CCP (au sens de l’article 140a, al. 1 LBI) a déjà été obtenu par ailleurs.

Dispositions transitoires : une fenêtre à ne pas laisser passer….

31 décembre 2023 :

Pendant les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la LBI révisée (soit jusqu’au 31 décembre 2023), des délais transitoires sont prévus (cf. art. 149 LBI rév.) pour déposer une demande de prolongation pédiatrique d’un CCP ou de certificat pédiatrique : le délai minimal avant l’expiration respectivement du CCP ou du brevet est de 6 mois

30 juin 2019 :

En outre, jusqu’au 30 juin 2019, une AMM sur les résultats du PIP en Suisse peut donner lieu à l’octroi d’une prolongation pédiatrique ou d’un certificat pédiatrique, même si cette AMM est demandée plus de 6 mois après la 1ère AMM dans l’espace économique européen.

Les titulaires d’un CCP ou d’un brevet produisant ses effets en Suisse, ayant une durée de validité restante d’au moins 6 mois, devraient donc étudier rapidement si un plan d’investigation pédiatrique mené à bien peut leur permettre de bénéficier de ces nouvelles dispositions.

Rappelons que la Suisse a récemment modifié son appréciation du critère selon lequel le produit (objet de l’AMM) est couvert par le brevet. A la suite à l’arrêt du Tribunal fédéral 4 A_576/2017 « Ténofovir » du 11 juin 2018, la Suisse a abandonné le simple « test de la contrefaçon » ; comme indiqué dans le communiqué de l’Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle https://www.ige.ch/fr/droit-et-politique/evolutions-nationales/changements-de-pratique.html elle a adopté l’analyse appliquée par la CJUE, selon laquelle le produit doit soit être nommé dans les revendications, soit tomber implicitement sous la portée d’une revendication, (la revendication doit faire tacitement, mais nécessairement référence au produit, et ce de manière spécifique).

Le bureau de LLR Suisse peut vous assister pour vos démarches aux fins de déposer des demandes de certificat pédiatrique ou de prolongation de CCP devant l’office suisse des brevets.