par Mathilde ESCUDIER, 27 mai 2025

La décision rendue par la Cour d’Appel de Versailles le 5 mars dernier est l’occasion de rappeler ce qui constitue un usage sérieux de marque et un juste motif de non-usage.

La décision PARFUMS LANSELLE

Par cette décision le juge a rejeté le recours formé par la société France excellence, titulaire de la marque française PARFUMS LANSELLE, contre la décision de l’INPI du 27 juin 2023 qui avait prononcé la déchéance totale de sa marque pour défaut d’usage.

Les faits commencent avec le dépôt de la marque internationale LANSELLE en 2022 par la société Fragantis, qui désigne notamment la France. Cette société attaque en déchéance la marque PARFUMS LANSELLE, ce à quoi la société France excellence répond en formant une opposition à l’encontre de la sous-partie française de la marque internationale LANSELLE. L’INPI prononce la déchéance de la marque PARFUMS LANSELLE pour la totalité des produits visés et la société France excellence forme donc un recours devant la Cour d’Appel de Versailles.

L’un des motifs invoqués par cette société est que la commercialisation des produits était imminente au moment du dépôt de l’action en déchéance mais que de justes motifs justifient que cette mise sur le marché n’ait pas été faite (i.e. le marché de niche des produits en question qui vise une clientèle de casinos et de cercles de jeux, la nature du produit qui nécessite un temps de développement assez long et la pandémie de Covid 19).

La société France excellence invoque également des actes de préparatoires, comme la recherche de flacons anciens et d’affiches en vue de la création d’un « showroom », des actes promotionnels pour faire visiter un corner dédié aux produits, des participations à des salons ou encore l’exploitation d’un site internet présentant les futurs produits.

Toutefois la Cour a jugé ces éléments insuffisants pour caractériser un usage sérieux car il n’y a pas eu de réelle mise à disposition du public et donc de commercialisation des produits. La Cour rejette également les arguments avancés sur les justes motifs de non-exploitation car ils n‘ont pas été suffisamment prouvés.

Comme nous pouvons le voir, en pratique il n’est pas toujours aisé de réussir à démontrer un usage de sa marque ou les raisons permettant de justifier son non-usage pour écarter la déchéance.

Qu’est-ce qui constitue un usage sérieux de marque ?

Les éléments à réunir doivent, pris dans leur ensemble, montrer un usage de la marque dans la période des cinq dernières années précédant la demande en déchéance, pas forcément de manière ininterrompue. Ces pièces doivent montrer :

  • La marque en cause ;
  • Un usage à titre de marque et non à titre de nom de société par exemple ;
  • Un usage en lien avec les produits ou les services visés par la marque ;
  • Une date comprise dans la période pertinente ;
  • Un usage commercial du produit ou du service (ex : factures, bons de commande, etc) ;

Cet usage peut provenir du titulaire de la marque ou d’un tiers autorisé (ex : un licencié).

Il est important de rappeler qu’il sera tenu compte du produit ou du service en cause car l’usage sérieux d’une marque ne signifie pas nécessairement un volume important de ventes. En effet, les attentes ne seront pas les mêmes entre la démonstration de l’usage d’une marque visant des produits de consommation courante comme un shampoing vendu en supermarché par exemple, et l’usage d’une marque visant des montres de luxe.

Quels sont les justes motifs de non-usage d’une marque ?

Ces motifs sont des circonstances indépendantes de la volonté du titulaire (ou du tiers autorisé), qui constituent un obstacle à l’usage de la marque.

Le juste-motif est apprécié au cas par cas et de manière relativement stricte.

Selon les Directives de l’INPI, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit rendu impossible. Il peut suffire qu’il soit déraisonnable.

L’exemple type d’un juste motif est l’attente de l’obtention de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour un médicament. La force majeure peut également constituer un motif de non-usage. En revanche, les difficultés financières d’une entreprise ne constituent pas un motif valable car il est considéré qu’elles ne sont pas indépendantes de la volonté du titulaire de la marque.

Que se passe-t-il si le juste motif de non-usage est reconnu ? Le titulaire n’est pas exempté de devoir prouver l’exploitation de sa marque, mais le non-usage au cours de la période a pour effet de suspendre le délai de cinq ans. Ainsi, la période pendant laquelle le non-usage est justifié n’est pas prise en considération pour calculer le délai de grâce de cinq ans.

Pour conclure, nous insisterons sur l’importance de conserver tous les documents susceptibles de démontrer l’usage de la marque, que ce soit les documents comptables ou les documents publicitaires et promotionnels. En effet cela permettra d’établir le dossier de preuves beaucoup plus aisément et d’avoir des éléments plus anciens plutôt qu’uniquement des documents récents.

par Mathilde ESCUDIER, le 15 mai 2025